September 27, 2016

C'est la rentrée, soyons reconnectés !

Si
toutefois nous avons réussi à nous déconnecter ne serait-ce qu’un peu pendant
l’été… 

Le thème de l’hyperconnexion est partout ces dernières semaines. Après
le documentaire « Hyperconnectés : le cerveau en surcharge »
diffusé par Arte au début du mois, Télérama se penche cette semaine sur le sujet



Avec comme question centrale les dangers liés à l’état de réceptivité permanente voire de servitude volontaire dans lequel nous plongent nos smartphones. Parce que ce qui pose problème, ce n’est pas, bien sûr, la technologie mais notre incapacité à nous auto-réguler. Difficile de rester injoignable ne serait-ce que quelques heures, de résister à la tentation de vérifier ses mails et de se débarrasser du réflexe ‘Google/il y a une app pour ça’. 





Au-delà des effets néfastes sur notre cerveau (perte de concentration, stress mais aussi, à plus long terme, effets négatifs sur la mémoire), c’est sans doute la perte de liberté, la perte de pouvoir sur des outils censés nous servir qui est la plus inquiétante. Comme le résume le philosophe Maurizio Ferraris, auteur d’un livre sur le sujet, « On peut vivre sans smartphone mais il faut être très puissant. Il faut être un surhomme. »

Etre un surhomme pour résister à la pression en prenant le
risque de rester hors de la vie connectée. Car pour l’heure, à moins de faire preuve d’une
auto-discipline de fer, difficile de trouver seul une alternative au choix
entre disponibilité totale et permanente et sentiment d’exclusion/FOMO
.

Pour résoudre ce dilemme, l’ingénieur Tristan Harris, ex-“philosophe
produit” de chez Google, propose d’imaginer des applications qui permettraient
aux utilisateurs de reprendre le contrôle
. Paramétrer plus finement les outils
 serait un moyen d’aboutir à une utilisation
mieux maîtrisée et à davantage de liberté. « Même si nous en avons
pleinement conscience, nous sommes sans cesse en train de rafraîchir nos
écrans, nous ne pouvons pas nous en empêcher. »
 
C’est donc aux concepteurs
d’intervenir et d’aller à l’encontre de ce que souhaitent les géants du web –que
l’utilisateur passe/perde un maximum de temps sur leur interface – pour
proposer des outils qui fournissent une expérience de qualité. 




Harris, qui considère scandaleux que des millions d’heures soient volontairement volées aux internautes, propose que la valeur d’un site
ou d’une appli soit évaluée selon sa contribution en « net good
times »
, c’est-à-dire selon le total des moments positifs fournis moins le
temps passé à chercher, scroller ou être distrait. Il fait un parallèle entre
la nourriture bas de gamme vs. l’alimentation bio et la technologie qui aliène
– encore une fois, délibérément – vs. celle qu’il souhaite voir émerger, qui ouvrirait
une nouvelle catégorie et permettrait de passer de la notion de « temps
passé » à celle de « temps bien utilisé »
. Pour aller plus loin, le site de Tristan Harris : http://timewellspent.io/ 



Mais au-delà des notions de disponibilité et de temps passé, la question posée est aussi celle de l’état d’esprit que nourrissent nos smartphones, état d’esprit entièrement guidé par à la volonté de gagner du temps et d’être toujours plus productif. Il y a quelques jours, Big Browser traduisait un article du futurologue Dan Clay. Une vision pessimiste d’un futur saturé d’applications, toutes destinées à nous faire gagner en productivité, avec pour résultat un quotidien bien triste et sans surprise. 


Chaque moment de vie étant optimisé – qu’il s’agisse du choix d’un partenaire ou du plateau télé – , l’inattendu n’existe plus, les sélections sont opérées par des algorithmes donc parfaites… donc profondément ennuyeuses. Nous sortirons avec notre partenaire parfait, et en regardant dans les yeux notre idéal algorithmique, nous serons submergés de curiosité pour tous ceux que nous n’avons pas rencontrés. Nous regarderons seulement de la bonne télévision et mangerons de la bonne nourriture.” (Dan Clay, traduit par Big Browser)


Smartpocalypse animée : “Way Out” de l’illustrateur Yukai Du 



A moins que le fait de marcher le nez sur son écran ne soit l’occasion d’une collision heureuse et d’une belle découverte ou rencontre…