Deblanding, es-tu là ?
Il a été beaucoup question, ces derniers mois, de “blanding”, cette tendance qu’ont les marques – particulièrement les DNVB, comme le détaille avec beaucoup d’humour cet article de Bloomberg – à aplanir leur identité pour se conformer aux codes en vigueur.
Résultat : des logos tout ce qu’il y a de plus clean et sympa, des noms de marque fondés sur un prénom destiné à créer un lien privilégié, une histoire standardisée – “on ne trouvait pas le produit que l’on cherchait sur le marché donc, forts de notre passion commune pour le sujet, nous l’avons créé” avec, naturellement, l’ambition de rendre le monde meilleur (les autres ingrédients sont listés dans l’article précité).
Glossier |
Guidée au départ par les contraintes propres à Instagram, à savoir des espaces restreints et un temps d’attention très limité, l’adoption de ce type de design se justifiait aussi par la volonté de répondre à une quête de simplicité de la part des consommateurs – des produits et des services propices à une expérience “streamlinée” –, tout en faisant passer un message d’authenticité et de proximité (“mon petit Casper”).
Or tout passe, tout casse, tout lasse et il semblerait que les mauve, vert et rose pastel soient en perte de vitesse. Comme le note The Dieline dans son rapport de tendances 2021, si “cette esthétique homogène de la start-up trendy” a l’avantage de rassurer, elle fait aussi courir le risque aux marques qui l’adoptent de se fondre dans la masse au point de devenir invisibles. “Si de plus en plus de gens se tournent vers les réseaux sociaux pour acheter leurs produits, l’objectif des marques ne sera plus de se fondre dans la masse mais bien de se différencier.”
On voit ces derniers temps émerger, en particulier chez les nouvelles marques mais pas uniquement, des propositions plus audacieuses, des couleurs vives voire criardes qui heurtent nos yeux déshabitués des teintes qui tranchent.
/kili.g/ x Naglis (Biercancas, influenceur lituanien) |
hilo life chips |
Qu’il s’agisse des Oreos nés de la collaboration entre Lady Gaga et la marque ou des marques de niche comme Hilo Life (les chips new generation), toutes ces marques misent sur des codes en rupture avec l’esthétique insta-moelleuse des ces dernières années. Du rose flashy, “gros rouge qui tache”, des superpositions, de la 3D ultrabright et du glitch chez Sillages (DNVB haute parfumerie) : tout est bon pour accrocher l’oeil.
Sillages Paris |
Oreo x Lady Gaga |
Même chose dans le domaine de l’illustration. Les agences ont eu trop tendance à retenir les mêmes styles de dessins – des petits personnages sympas. Comme le note la fondatrice de l’agence The Working Assembly Jolene Delisle, citée par The Dieline, faire toujours appel aux mêmes illustrateurs connus peut, à terme, être plus un problème plus qu’un avantage. Son conseil pour les marques : oser aller vers des styles que les gens, qui ont très envie de nouveauté, ne connaissent pas encore.
Offlimits |
Fantasty |
Autre point intéressant, bien que moins fréquent : le choix de polices de caractère atypiques voire presque illisibles qui contribuent à créer une identité visuelle unique. Avec un autre avantage : une fois le travail de déchiffrage achevé, le niveau de satisfaction et de mémorisation est probablement plus élevé, exactement comme c’était le cas pour la “Sans Forgetica”, conçue pour améliorer la mémorisation des informations.
Byte bars |
L’une des raisons avancées pour expliquer l’émergence de cette nouvelle esthétique serait l’arrivée de la Gen Z. Une génération qui serait plus spontanée, sans filtre et friande de marques qui assument leur discours et ne s’excusent pas d’être là – un petit côté “in your face” qui se traduirait par des codes visuels plus radicaux.
Serait-ce l’explication ou ce changement est-il simplement une réaction prévisible au Millennial Pink ? Ce courant serait-il annonciateur des fameuses Roaring 2020s, pleines de fun et de folie, que l’on nous promet “après la crise” ?
Plus intéressant, ce “deblanding” se résumera-t-il à une liberté et à une créativité de surface et à la mise en place de nouveaux codes – une sorte de “norme anticonformiste” – ou marque-t-il, au contraire, une prise de conscience, chez les jeunes marques, de la nécessité d’affirmer leurs valeurs et leur univers propres, que ce soit à travers leur identité visuelle, leur nom ou leurs prises de parole ?
A moins que le branding et le blanding ne cèdent leur place au “blending” ?
En attendant de connaître la réponse, on peut toujours profiter du plaisir de réveiller sa rétine avec quelques packs nés d’une approche un tantinet buissonnière.
Cides Polisson |