La magie du consommer moins
Deux campagnes ont attiré mon œil il y a quelques jours : la première est une vidéo imaginée par l’agence Mother pour Ikea UK, la seconde est la dernière campagne d’affichage de Coca. Ce qu’elles ont en commun ? Toutes deux apportent une réponse à des questions qui deviennent de plus en plus pressantes, à savoir : quelle consommation imaginer pour demain ? comment rendre la sobriété (choisie) désirable ?
Alors que plusieurs acteurs du luxe (Chanel, Kering) parlent ces derniers temps de la nécessité de découpler profits et volumes de production (“value over volume” à travers des process plus efficaces mais aussi un positionnement et des prix plus élevés), il me semble intéressant de voir comment des marques mass market se positionnent, à travers ces créations, sur ce sujet de la sobriété.
Chez Coca, le message est assez classique : Gigi Hadid nous dévoile sa recette du bonheur et d’un « moment magique » qui n’est pas, bien entendu, conditionné par la présence d’autres VIP ou de paillettes mais repose sur la simplicité. Au menu : de l’immatériel (les « souvenirs », plus précieux que n’importe quoi d’autre, la partie de soi qui ne peut pas nous être enlevée) et seulement deux ingrédients tout simples, de « bonnes pâtes maison » et un « coca-cola bien frais », qui véhiculent l’authenticité mais aussi la volonté de et la capacité à déguster comme il se doit des produits de base (les pâtes sont « bonnes » et cuisinées « maison », le coca est « bien frais »).
La magie d’un instant partagé tient uniquement à cela : un moment partagé et des classiques de qualité, appréciés à leur juste valeur. La photo retenue ne dit pas autre chose : cadrage et lumière made in repas de famille, dessous de plat on ne peut moins design, pull et coiffure de weekend pour Gigi mais (ou plutôt donc ?) bonheur total. Avec un « Real Magic » apposé comme un sceau qui valide cette équation et rappelle l’importance des petits bonheurs du quotidien – la question ne se posant pas de la même manière pour des méga stars qui trouvent probablement dans cette simplicité une forme d’exotisme et pour des consommateurs pour qui les pâtes sont plus souvent au menu par nécessité.
Côté Ikea, le postulat est simple, lui aussi : on peut être heureux en achetant moins cher et malin. L’homme tellement stylé qui a transformé son intérieur en palais de star du hip hop, nous prouve qu’il est possible de créer de la magie autour de soi, à condition d’être un peu aidé par des marques comme Ikea capables de comprendre les attentes et contraintes de leurs clients.
Des objets abordables, fonctionnels, qui évoluent selon les besoins et permettent d’adopter des comportements plus responsables (pas de gaspillage alimentaire par exemple) mais qui sont aussi dotés du petit supplément d’âme qui fait toute la différence : c’est tout ce dont on a besoin pour se sentir le roi du monde.
Si on met en regard ces deux campagnes, on trouve un effet d’inversion assez intéressant :
– d’un côté, une vraie star qui aspire à une forme de simplicité et l’atteint à travers un choix très restreint de produits authentiques ;
– de l’autre, un anonyme qui fait de son quotidien une vie aussi désirable que celle d’une star grâce à des produits accessibles et utiles
Oui, la consommation est toujours encouragée chez Ikea – encore que le dressing rempli à l’infini de vrais Frakta soit plus un clin d’œil et une parodie –, mais les deux campagnes se rejoignent sur un point : la capacité des individus à repenser leur consommation pour peut-être n’en garder que ce qui a du sens pour eux.
Un message à la Marie Kondo – qui a, depuis ses premiers succès de librairie, remplacé la passion du rangement par la décision de passer plus de temps avec sa famille – : on ne choisit que ce qui est utile ou que l’on sait apprécier assez pour créer de la magie autour de soi, plutôt qu’accumuler. Un premier pas vers le moins et la création de nouveaux imaginaires de consommation et/ou de société ?