Traité des couleurs
“Oh couleurs ! Le design au prisme de la couleur” est la première exposition à investir l’ancienne prison accolée au Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux. Ce qui fait deux bonnes raisons de s’y déplacer.
Mise en scène par le designer Pierre Charpin, “Oh couleurs !” met à profit l’agencement du lieu pour examiner la place essentielle de la couleur dans le design, au même titre que les lignes et les volumes.
Loin de constituer un détail esthétique substituable – point de vue contre lequel pestent les graphistes, confrontés à d’innombrables “j’aime bien mais je préférerais en vert” –, la couleur a non seulement le pouvoir de véhiculer une idée, un monde singulier mais aussi celui, plus technique, de définir le contour des objets.
“Le rouge me semble être la seule couleur qui définisse précisément l’objet et fasse apparaître nettement ses arêtes et ses coins“, explique l’artiste Américain Donald Judd (1928-1994). A la différence du noir, par exemple, qui érode ses contours ou du blanc qui a tendance à le rétrécir.
Irisation, couleurs qui se dérobent et se transforment au gré des changements d’angle de vue et de lumière, procédés de coloration par capillarité, voyages dans le temps à travers des générations de boites Tupperware (très tendance, les pastels des années 1950 !) et à travers les gammes de couleurs créées pour les carrosseries des Renault Dauphine de l’époque : l’exposition parle à chacun de manière sensible et personnelle.
Aux espaces ouverts des deux cours centrales répondent les espaces plus étroits que constituent les anciennes cellules.
De grands noms ont été invités à colorer ces alcôves selon leur goût et leur inspiration : Irma Boom y présente un papier peint inspiré des couleurs de Bordeaux, Hella Jongerius y expose sa Daylight Colour Wheel qui représente les variations de couleurs de la lumière sur une journée. Quant à Olivier Saillard, il se penche sur le rouge à lèvres à travers une collection de baisers que les visiteuses, petit papier à embrasser à disposition, sont invitées à compléter.
Le vert de l’AS Saint-Etienne, le jaune du Ricard, la tenue orange de Guantanamo, le pointillisme multicolore du fauteuil Proust d’Alessandro Mendini : c’est tout un monde d’associations, de repères et de souvenirs créés par la couleur que convoque l’exposition.